Picasso et la Danse

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Picasso et la Danse

Devant le succès rencontré par Toiles Étoiles en février 2022, l’Opéra national du Capitole a souhaité remettre ce programme à l’affiche pour cinq représentations, à la Halle aux grains, en juin prochain. Ce programme est bâti autour de trois rideaux d’avant-scène conçus par Picasso pour trois ballets : Cuadro flamenco (1921), Le Train bleu (1924) et L’Après-midi d’un faune (1965). L’objectif était de demander à trois chorégraphes d’aujourd’hui de se réapproprier ces toiles en vue d’une remise en jeu. C’est ainsi que les danseurs de hip-hop et chorégraphes Honji Wang et Sébastien Ramirez se sont emparés de la toile du Faune ; Cayetano Soto, que l’on peut qualifier de néoclassique contemporain, de celle du Train bleu et Antonio Najarro, actuellement l’un des plus fameux représentants de la danse stylisée espagnole, celui de Cuadro flamenco.


Honji Wang et Sébastien Ramirez © Koonepics

L’APRÈS-MIDI D’UN FAUNE

PAR HONJI WANG ET SÉBASTIEN RAMIREZ

Honji Wang et Sébastien Ramirez ont fait le choix de travailler sur le Faune. Il est vrai que le motif et les couleurs du rideau d’avant-scène de Picasso se prêtent idéalement à une reproduction sur voile. La légèreté d’un tel tissu a dû très vite donner des idées à Sébastien Ramirez, spécialisé dans le travail aérien et l’utilisation du gréage chorégraphique, qui le fait manipuler sur scène par un danseur, comme s’il s’agissait d’un personnage à part entière. Le jeu et le déploiement de la toile-voile en deviennent ensorcelants.

Chorégraphes et directeurs artistiques de la Compagnie Wang Ramirez, ils ont relevé le défi de donner leur version de cette pièce mythique et scandaleuse créée et dansée par Nijinski en 1912 : « En tant qu’artistes, c’est une excellente occasion de tenter de réinterpréter le Faune, une opportunité d’apprendre, d’oser. Recréer ce ballet permet de lui donner une nouvelle vie, une autre énergie. C’est un encouragement au renouveau qui anime justement notre perspective d’interprétation, aujourd’hui. » Et de poursuivre : « Nous nous sommes imprégnés de la force poétique et symboliste du poème éponyme de Mallarmé pour tenter d’en restituer son paradigme qui, selon ses propres mots, consiste à “peindre non la chose mais l’effet qu’elle produit”. En prenant appui sur Picasso et Debussy, nourris de l’empreinte chorégraphique et esthétique qui nous caractérise, notre Après-midi d’un faune donne corps et matière à l’évocation des désirs et des rêves de cette brûlante après-midi : oscillations entre illusion et réalité, ondoiement des matières aussi palpables qu’insaisissables, palettes sonores aléatoires et atmosphères fugitives se jouent du temps et de l’espace pour tenter, le temps d’un spectacle, de faire du “rêve une réalité, autre que la réalité”. »

L’Après-midi d’un faune : Rouslan Savdenov dans le rôle du Minotaure, 2022. © David Herrero

Cayetano Soto © Michael Slobodian

LE TRAIN BLEU

PAR CAYETANO SOTO

C’est à Cayetano Soto que revient le rideau de scène de Picasso pour Le Train bleu de Bronislava Nijinska, créé en 1924. Cent ans cette année. Ce rideau n’a pas été conçu spécifiquement pour le ballet puisque son motif est la reproduction exacte de la gouache peinte en 1923 par le maître espagnol, Deux Femmes courant sur la plage de Dinard (La Course). « Le magnifique rideau de Picasso me donne la force et la liberté de m’exprimer, d’être courageux et de ne pas regarder en arrière, afin de créer une merveilleuse symbiose entre passé et présent » confie Cayetano Soto.

Au cours des Années folles, le Train bleu, c’est le nom donné à un train de luxe qui relie Paris à Vintimille, desservant toutes les villes de la Côte d’Azur. Mais, en ce 7 juillet 1923, le train est détourné de sa ligne classique pour rallier Deauville, le temps d’un week-end.

C’est de ce Train bleu-là qu’il s’agit dans « l’opérette dansée » de Nijinska, créée par les Ballets russes le 20 juin 1924 au Théâtre des Champs-Élysées. C’est une parodie burlesque du Tout-Paris cosmopolite et snob des années 1920, qui ne vit que pour l’esthétisme et l’hédonisme. Cocteau, auteur du livret, y célèbre le culte des Années folles pour la vie en plein air, la beauté des corps et le sport. Les prouesses acrobatiques du danseur des Ballets russes, Anton Dolin, l’auraient inspiré.

Cayetano Soto a souhaité conserver à la pièce le titre de Train bleu bien qu’il ait décidé de ne pas reprendre le sujet du ballet original pas plus que la partition de Darius Milhaud : « Il est extrêmement important pour moi de transmettre ma voix artistique et non une réplique, de livrer un nouveau scénario et une autre musique au public et de partager un voyage inspiré fait de passion et de découvertes ».

Solène Monnereau et Alexandre De Oliveira Ferreira dans Le Train bleu, 2022. © David Herrero

Antonio Najarro © Manuel Outumuro

TABLAO

PAR ANTONIO NAJARRO

En qualité de danseur exceptionnel d’escuela bolera, de flamenco, de danse stylisée et de folklore espagnols, c’est à Antonio Najarro qu’il revenait de s’emparer du rideau de scène de Cuadro flamenco, conçu par Picasso en 1921, et de donner sa propre lecture du ballet, qu’il a rebaptisé Tablao. En Espagne, un tablao est un lieu à l’ambiance intime, exclusivement consacré à des spectacles de flamenco.

Avec cette pièce, Antonio Najarro souhaite « immerger le spectateur dans un véritable tablao où les danseurs exprimeront la force et l’énergie caractéristiques du monde flamenco. »

À l’instar de Cuadro flamenco, Tablao est un ballet non narratif qui se compose d’une succession de suites de danses espagnoles. Le chorégraphe nous a confié que toutes les danses qu’il a « chorégraphiées ont une structure flamenca. On y entend des rythmes de zapateado, de tango, de fandango… dans une version musicale et parfois lyrique, pour donner à voir les diverses cadences de la danse flamenca interprétée par des danseurs classiques ».

La musique, composée par le grand guitariste flamenco José Luis Montón, sera interprétée en direct par lui-même à la guitare, Thomas Potiron au violon, Odei Lizaso aux percussions et María Mezcle au chant.

Rappelons par ailleurs que, pour Tablao, les artistes du Ballet du Capitole ont relevé le défi d’apprendre les techniques très spécifiques de la danse flamenca. Leur appropriation relève du prodige.

Alexandra Surodeeva et le Ballet du Capitole dans Tablao, 2022. © David Herrero

Du 12 au 16 juin

halle aux grains

Toiles Étoiles

Picasso et la Danse

Quatre chorégraphes, de cultures chorégraphiques différentes, s’emparent de trois rideaux de scène de Picasso et les mettent en jeu. Entre la danse flamenca revisitée par Antonio Najarro, la fluidité du mouvement de Cayetano Soto et une nouvelle exploration du geste avec le couple de hip-hoppers Honji Wang et Sébastien Ramirez, les danseurs du Capitole sont conviés à une promesse de rencontres audacieuses autour de trois célèbres rideaux de scène de Picasso.