Hommage à Suzanne Sarroca

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Hommage à Suzanne Sarroca

L’éblouissante soprano Suzanne Sarroca vient de s’éteindre à Carcassonne, sa ville natale. Elle avait 96 ans. Suzanne Sarroca fut l’une des plus grandes sopranos lyriques françaises de l’après-guerre, aux côtés de son amie Régine Crespin. Elles ont d’ailleurs souvent été réunies sur scène, dès leurs quasi débuts à Mulhouse en Ortrud et Elsa, puis pour un couple Oktavian Maréchale légendaire et il est vrai idéal.

Suzanne Sarroca, Rôle de Charlotte dans Werther, saison 1950-1951, Théâtre du Capitole
Suzanne Sarroca, Rôle de Charlotte dans Werther, saison 1950-1951, Théâtre du Capitole.

Née en 1927, elle a étudié au Conservatoire de Toulouse à la fin de la guerre, en même temps que Mady Mesplé. Elle débute très rapidement, d’abord comme mezzo avec Charlotte (au Capitole) ou Carmen (Bruxelles) puis avec les grands sopranos lyriques comme Tosca à Paris en 1952. Elle a 25 ans. La voix de Suzanne était grande, riche, souple, brillante, d’une sensibilité extrême et d’une sensualité ravageuse. Elle a chanté tous les grands rôles et y a excellé : Tosca for ever, Elisabeth de Valois, Aida, Senta, Sieglinde, Santuzza, Louise… Dans les années 1970, elle est l’une des cantatrices préférées de Rolf Liebermann à l’Opéra de Paris et y chante dans de nombreuses productions. Le Théâtre du Capitole fut l’une de ses maisons de prédilection. Elle y a donc débuté dans Charlotte et y a chanté ses plus grands rôles très régulièrement : Desdemona (Otello), Madeleine de Coigny (Andrea Chenier), Hérodiade, Manon Lescaut… Par chance, l’une de ses grandes incarnations est parfaitement documentée : une flamboyante Reine de Saba de Gounod, sous la direction de Michel Plasson, aux côtés de Gilbert Py et Gérard Sarkoyan. En 1988 encore, à soixante ans passés, elle chante Annina dans La Traviata, aux côtés du débutant Roberto Alagna. Passage de relais d’un grand style français.

Suzanne Sarroca était une femme merveilleuse : elle aimait passionnément la vie, avec les deux pieds bien plantés dans la réalité, toujours prête à s’indigner des injustices. Elle aimait rire, elle aimait la bonne chère et discuter avec ses amis. Elle avait gardé, tout au long de sa vie parisienne, son accent de Carcassonne et roulait ses R avec un charme irrésistible. Nous réécouterons souvent sa voix qui nous dit en une seconde la grandeur et la profondeur de ce qu’est l’opéra.

Christophe Ghristi
Directeur artistique de l’Opéra national du Capitole