Pleurer avec Adrienne

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Pleurer avec Adrienne

Lianna Haroutounian a chanté des dizaines de fois les grands rôles de Puccini que sont Mimi, Tosca et surtout Madame Butterfly. Au Capitole, c’est le costume d’Adrienne Lecouvreur qu’elle se réjouit de pouvoir une nouvelle fois enfiler. On comprend en échangeant avec cette grande soprano arménienne les spécificités et les richesses de ce rôle exigeant.


Entretien avec Lianna Haroutounian

Ce sera votre troisième Adrienne Lecouvreur, après des débuts en concert en 2016 et en scène en 2022, êtes-vous heureuse de revenir à ce rôle ?

Oui, car ce rôle est très intéressant ! Je dois me mettre dans la peau d’une actrice qui a existé : elle a changé la façon de faire du théâtre à son époque et a eu une vie personnelle bouleversante, riche, entourée de grandes personnalités ! C’est très inspirant et cela donne beaucoup de possibilités, de façons d’interpréter, de chercher des couleurs nouvelles, des sensibilités, des façons de s’exprimer… encore et encore se mettre à l’écoute de la musique et du caractère qu’elle raconte.

Comment partez-vous à la recherche de la vérité de cette actrice ?

C’est un opéra qui est influencé par le vérisme, ce qui a toujours quelque chose de plus facile à interpréter en un sens, car c’est beaucoup plus naturel, plus vrai… on peut exprimer plus de couleurs. Mais en même temps, Adrienne Lecouvreur reste marqué par un lyrisme très nuancé qui facilite la direction et la fluidité de la voix. Il y a une richesse immense dans l’écriture de Cilea. La fin de l’opéra demande un contrôle total et une grande vigilance, tout en restant très agréable à chanter parce que très expressif justement. Je pleure moi-même quand je finis l’opéra.

Il se dit souvent que pour pouvoir chanter Adrienne, il faut attendre une certaine maturité de carrière, le comprenez-vous ?

Oui, car on a vraiment besoin de mûrir et d’enrichir notre palette de couleurs avant de commencer ce rôle. Derrière chaque mot, derrière chaque son, il faut mettre une expression. Chanter joliment n’est pas suffisant, cet opéra requiert autre chose, au service des couleurs, de la sensibilité, de la délicatesse et de la vérité que Cilea a données à cette personnalité.

Êtes-vous proche vous-même de la personnalité d’Adrienne, qui comme vous se met au service d’œuvres immenses ?

Adrienne. J’aime sa franchise car j’aime dire les choses que je ressens. Et j’admire sa recherche permanente de vérité théâtrale, elle fait écho à mon travail avec ma voix, à la recherche de ma propre nature. Nous différons peut-être une fois sorties de scène, car je n’ai pas et ne souhaite pas de « personnalité publique », je me fais plus discrète. Mais comme elle je peux être très fragile, rester par exemple dans le silence par manque d’inspiration, ce qui nous rapproche. Comme nous rapproche notre capacité au sacrifice pour les gens que nous aimons, cela me touche beaucoup en elle.

Propos recueillis par Jules Bigey


Rendez-vous pour l’opéra !

Du 20 au 29 juin 2025

Théâtre du capitole

Adrienne Lecouvreur

Francesco Cilea (1866-1950)

Dans le Paris du XVIIIe siècle, une célèbre tragédienne s’éprend d’un bel officier, mais elle aura tout à craindre d’une terrible rivale. Pour ce chef-d’œuvre du vérisme italien, une somptueuse mise en scène d’Ivan Stefanutti sous la direction experte de Giampaolo Bisanti, et une distribution cinq étoiles !